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Libération
Critique

Les mémoires de Simon.

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Huit ans après «l'Acacia», le prix Nobel de littérature 1985 offre une autobiographie éclatée, assemblée comme une mosaïque. Rencontre avec Claude Simon pour qui la forme de la mémoire ressemble à un «Jardin des plantes». «Un puzzle est un jeu ou un travail dont on peut venir à bout. Pour ce qui concerne la mémoire, c'est impossible. Ce n'est jamais fini, il reste toujours des trous
publié le 18 septembre 1997 à 8h19

Salses, envoyé spécial.

Dans la vaste salle de la vieille maison, dont l'épaisseur des murs atténue la canicule extérieure, il y a un grand paravent: sur toute leur surface, ses panneaux sont recouverts d'un collage réalisé par Claude Simon, qui explique avoir aussi dessiné et façonné, à partir de carreaux de céramique espagnole récupérés sur place, le plateau de la large table basse installée dans le coin salon.

Le Jardin des Plantes, que l'écrivain publie aujourd'hui à 83 ans, huit ans après l'Acacia, ressemble à ces marqueteries. Car ce livre de souvenirs ne commence pas comme un récit ordinaire: la page est physiquement découpée en plusieurs blocs, dans le sens vertical, en diagonale ou en emboîtage. Sautant d'un texte à l'autre, le lecteur comprend vite qu'il s'agit de récits alternés et imbriqués les uns dans les autres, progressant de manière un peu labyrinthique, à l'image encore de cette vieille demeure catalane, toute en parties juxtaposées, en escaliers inattendus, en petites cours intérieures gagnées sur d'anciennes dépendances.

Le Jardin des Plantes n'est donc pas une autobiographie au sens courant. «Ceux qui lisent un livre pour savoir si la baronne épousera le comte seront dupés», écrivait Flaubert, cité par Claude Simon. Dans le puits octogénaire de son existence, le prix Nobel de littérature 1985 a prélevé et agencé une vingtaine d'épisodes clés, discontinus et appartenant à toutes les périodes de sa vie, mais dont l'«apparente incohérence» constitue en réali