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Libération
Critique

A quelques jours de l'ouverture du procès Papon, l'actualité éditoriale autour de Vichy et des années noires continue de plus belle. Jours terribles à Drancy. Ecrit en 1942, le roman véridique de Noël Calef, interné à Drancy, montre que, hormis l'extermination, les méthodes des geôliers français étaient calquées sur celles des Allemands. Noël Calef, Camp de représailles, Editions de l'Olivier. 441 pp. 149F.

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publié le 2 octobre 1997 à 11h10

«En épluchant les carottes, on pouvait en manger en se cachant,

voire en rapporter pour plus tard ou pour les copains. Mais un soir, après la corvée, les hommes furent fouillés et ceux trouvés en possession de carottes, tous, en somme, se virent enfermés entre les barbelés, au milieu de la cour, pendant deux heures. Debout. Avec défense de bouger ou de s'appuyer. Le soir s'annonçait déjà et les malheureux, épuisés d'avoir travaillé un bon moment, le ventre creux, à peine rassasiés par les quelques légumes avalés en cachette, grelottaient de froid sous la bise. Des fenêtres, chacun les vit. On savait désormais ce que l'on risquait en volant aux pluches.» Où se passe cette scène extraite du livre Camp de représailles écrit par Noël Calef entre 1942 et 1943? Cinq mille hommes enfermés dans des barres de ciment inachevées, dormant sur le sol sans lits et sans couvertures, sans autres vêtements que ceux qu'ils ont sur le dos, sans savon, sans dentifrice, sans cuiller, sans assiette, sans médicaments, avec une ration quotidienne de sept pains de deux kilos pour cinquante hommes? Où un règlement absurde interdit livres, cartes, papier, crayon, sortir dans la cour, regarder par la fenêtre, recevoir du courrier, des colis de nourriture? La scène se passe en 1941, au camp de Drancy, dans la banlieue parisienne. On ne voit pas un Allemand.

Noël Calef se voyait, jusque-là, comme un intellectuel parisien de 34 ans, de nationalité italienne, parlant bulgare, italien, allemand, français, e