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Libération
Critique

Manchette, calibre 35 mm.

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Reprise en volume des chroniques ciné pour «Charlie Hebdo» de l'auteur de «Nada».
publié le 9 octobre 1997 à 11h36
«J'ai de l'aversion pour ce que le cinéma est devenu. Naguère, le cinéma était fait par les riches pour les pauvres. A présent il est toujours fait par les riches, mais comme les pauvres restent devant leur télé, le cinéma est fait pour les cadres.» Cette entrée en matière radicalement grognonne des textes de Jean-Patrick Manchette parus dans Charlie Hebdo de 1979 à 1981 sous le titre générique «Yeux de la momie» n'empêche pas un amour fou du cinoche. Et cette passion n'est pas uniquement rétro, exprimée pour les films du passé.

Certes, l'auteur du Petit Bleu de la côte ouest et de Nada n'oublie jamais de célébrer une ressortie de derrière les fagots. De dire la grandeur d'un second couteau génial comme Jack Elam, de stars de toujours comme Robert Mitchum, James Mason, Randolph Scott, James Cagney, ou de cadors de la mise en scène comme Raoul Walsh, King Vidor, Douglas Sirk, William Wellman, Howard Hawks, Stuart Heisler, Hitchcock ou Ida Lupino. Il affiche une telle intimité avec ce cinéma qu'il peut aussi rappeler que Rossellini, qui l'épate parfois malgré tout, fut un cinéaste fasciste. Pester contre le néoréalisme, cette création conjointe du catholicisme et du stalinisme. C'est d'ailleurs ce refus des discours obligés, des admirations programmées, qui fait l'intérêt des interventions de ce styliste cinoque des genres et des époques les plus divers (de King Vidor à Clint Eastwood).

Mais Manchette ne se limite pas à la gestion du patrimoine. Il s'intéresse au cinéma contemporain, à Guy Debord ou à Michael Snow. Il aime les films de Rainer Werner Fassbinder: «Cinéaste moderne, il est cultivé, la dextérité de son filmage se nourrit aussi bien d'expressionnisme national que de fast-food à l'américaine. Formidable direction d'acteurs...» «Fassbinder joue ses coups à fond... c'est-à-dire qu'il fait un vrai mélo, joue le romanesque, coups de théâtre, etc., alors que n'importe quel pisse-froid aurait joué le questionnement... Vive Fassbinder.»

Il affirme son goût pour Nagisa Oshima, Maurice Pialat, Marco B