Il y a quelques semaines, sortait sur les écrans français Fools, le
premier long métrage black tourné dans la nouvelle Afrique du Sud, signé Ramadan Suleman. Traduit pour la première fois en 1992, le roman dont est tiré le film est aujourd'hui remis en circulation. Comme le film, le roman publié par Njabulo S. Ndebele en 1983 constitue un jalon important dans l'histoire culturelle noire sud-africaine. Fools participe de ce que son auteur appellera quelques années plus tard la «redécouverte de l'ordinaire», dans un texte-manifeste contre la littérature héroïque et de pure propagande. Sans fard, Fools raconte en effet la rencontre entre deux hommes noirs, un étudiant et un instituteur plus âgé, dans un ghetto à une cinquantaine de kilomètres de Johannesburg (où l'auteur a passé lui-même son enfance): c'est la veille des vacances, et le plus jeune retourne au pays. Intellectuel fougueux et révolté, il enrage de la passivité de ses frères de couleur, «champions de l'esquive» subissant sans broncher ou presque la loi des Blancs. A peine rentré chez lui, il va jouer les trouble-fête, secouant la léthargie et la lâcheté générales. En face de lui, l'homme mûr, dont la vie se traîne, marquée par l'opprobre d'un viol sur l'une de ses anciennes élèves, est à la fois désarmé et fasciné par tant d'appétit de vivre. Il se souvient que, dans sa jeunesse, lui aussi a éprouvé une pareille ardeur rebelle, et il prend conscience de sa déchéance et de son humiliation actuelles, lui qui enseign