A 69 ans, et à l'ombre tutélaire du grand aîné Aimé Césaire, Edouard
Glissant s'impose comme le chef de file de la littérature antillaise francophone. Alors que l'ensemble de son oeuvre est rééditée chez Gallimard, ses thèses sur l'«antillanité», la «créolisation» ou le «Tout-Monde» sont discutées dans les milieux intellectuels de tout l'archipel caraïbe et même, f ait nouveau, aux Etats-Unis. Son nouvel ouvrage, le Traité du Tout-Monde, représente bien sa manière, lyrique, cyclonique et baroque, de décrypter le monde et de s'y engager. C'est surtout un livre-manifeste, un «cri» dans lequel Edouard Glissant explicite et défend ardemment ses convictions, avec des accents parfois incantatoires: «J'appelle Chaos-monde le choc actuel de tant de cultures qui s'embrasent, se repoussent, disparaissent, subsistent pourtant, s'endorment ou se transforment, lentement ou à vitesse foudroyante: ces éclats, ces éclatements dont nous n'avons pas commencé de saisir le principe ni l'économie et dont nous ne pouvons pas prévoir l'emportement. Le Tout-Monde, qui est totalisant, n'est pas (pour nous) total. Et j'appelle Poétique de la relation ce possible de l'imaginaire qui nous porte à concevoir la globalité insaisissable d'un tel Chaos-Monde, en même temps qu'il nous permet d'en relever quelque détail, et en particulier de chanter notre lieu, insondable et irréversible. L'imaginaire n'est pas le songe, ni l'évidé de l'illusion.»
Qu'est-ce que la «créolisation»? Dans son livre, Edouard Gliss