Même si elle affectionne les marges de l’histoire, Nathalie Zemon Davis est le contraire d’une historienne marginale. Professeur à Berkeley, puis à Princeton, elle y a donné un vif essor aux études sur la France moderne. Les Cultures du peuple (1979), Pour sauver sa vie (1988) sont des références classiques, tandis que le Retour de Martin Guerre, et le film qu’en a tiré Daniel Vigne, l’ont fait connaître à un plus vaste public. Pionnière de l’histoire des femmes et des Women’s Studies, Nathalie Zemon Davis n’a jamais voulu s’enfermer dans une spécialisation ou théorisation étroites, cherchant au contraire à marier goût de l’archive et réflexion sur le genre, à croiser sexe, culture et religion dans une large perspective. Le présent livre porte témoignage de cette curiosité avide où le plaisir de conter ferait presque oublier l’exigeante érudition.
Les trois femmes dont elle a choisi de dessiner les portraits offrent des exemples contrastés de parole et d'existence féminines dans des contextes religieux et culturel distincts. Glikl Bas Judah Leib (1646-1724), marchande juive de Hambourg, puis de Metz, au gré de ses deux mariages avec Haim Hamel épousé à quatorze ans, puis, après trente ans de vie commune rompue par la mort du bien-aimé, avec Hirsch Lévy , mère de quatorze enfants, incarne la mère juive, travailleuse infatigable, femme d'affaires avisée, experte dans le maniement de l'argent, soucieuse de sa progéniture qu'elle s'efforce de placer dans l'espace du négoce, ma