Maurice Halbwachs est l'initiateur de la «sociologie de la mémoire».
Né en 1877, il est mort dans le camp de Buchenwald en mars 1945. Qu'il soit aujourd'hui quelque peu oublié tient à un double brouillage. D'abord l'ambiguïté du rapport à ses maîtres, Bergson et Durkheim. A propos du fonctionnement de la mémoire collective, Halbwachs semble moins éloigné de Bergson qu'il ne le pensait lui-même en se posant comme ennemi acharné de l'individualisme bergsonien. A l'inverse, il est moins proche du déterminisme social de Durkheim, en dépit de la fidélité qu'il lui a toujours manifestée. Ensuite le malentendu qu'a provoqué la publication posthume, par sa fille, de la Mémoire collective. En proposant aujourd'hui une édition critique de cette Mémoire collective, Gérard Namer restitue enfin à Maurice Halbwachs sa complexité et sa grandeur. Non seulement parce qu'il rétablit le projet et parfois l'écriture de Halbwachs mais parce qu'il balise le parcours qui, en vingt ans, l'a conduit des Cadres sociaux de la mémoire, daté de 1925, à ce dernier ouvrage, dans lequel les positions de départ se trouvent renversées. Dans son livre, Halbwachs définissait les «cadres sociaux de la mémoire» - à savoir le langage, l'espace et le temps - comme ce qui est commun à la mémoire individuelle et à la mémoire du groupe: d'où le fait qu'existait une pluralité des mémoires, articulées les unes aux autres. Ainsi, par exemple, la mémoire familiale, avec sa reconstruction du passé, ses déformations et