Jeremy Bentham (1748-1832), fils d'un homme de loi riche et réputé,
vivant dans le quartier le plus huppé de Londres, est connu pour être le père de l'«utilitarisme». L'on sait que cette doctrine philosophique se présente comme «une théorie de l'action, qui ne se contente pas de conserver l'état social mais qui entend le réformer radicalement, tant sur le plan juridique que politique», en vue de «faire le plus grand bonheur au plus grand nombre». L'oeuvre de Bentham est immense (plus de 10 millions de mots publiés, quelque 1 500 lettres et près de 200 boîtes de manuscrits), et son influence sur la pensée juridique et politique de l'Angleterre de son temps lui a valu l'épithète de «Newton du droit». Il engage contre Adam Smith une surenchère dans le libéralisme économique, en faisant valoir la souveraineté absolue «du plaisir et de la douleur» dans les actions humaines. Stuart Mill et Marx ont commenté les thèses de Bentham, avant que Lacan ou Foucault n'évaluent à leur tour l'utilitarisme comme un moment charnière de la modernité politique. Mais on connaît moins la philosophie de Bentham, qui était un lecteur assidu de Locke, de Berkeley et de Hume, mais aussi de Montaigne, de Montesquieu ou d'Helvétius. Il meurt avant que le grand traité qui devait rassembler les questions de déontologie, d'éducation, de religion, de logique et de langage... ne voie le jour. Les liasses manuscrites aujourd'hui publiées et traduites en français sous le titre De l'ontologie permettent de voi