Avec sa nouvelle traduction du Quichotte, Aline Schulman a réussi un
pari difficile. Car pour certains, il y a fort à parier que cette traduction en français «langue vivante» est une forme de trahison de l'exigence qui veut que la traduction d'un classique comme le Quichotte s'accompagne de toute une bibliothèque de gloses et de notes justifiant scientifiquement l'emploi de tel substantif ou de tel tour rhétorique. Quand on sait qu'Aline Schulman, traductrice de Goytisolo, de José Donoso, de Reinaldo Arenas et de Severo Sarduy, est aussi maître de conférences à la Sorbonne, on peut imaginer qu'un tel parti pris éditorial n'a pas dû être facile tous les jours.
«C'est donc vrai que mon histoire existe, et que l'auteur est un Maure et un savant homme?», demande Don Quichotte à Samson Carrasco au début de la seconde partie du roman de Cervantes, version Schulman. Et Carrasco de lui répondre: «C'est tellement vrai qu'au jour d'aujourd'hui je suis certain qu'il y en a plus de douze mille exemplaires publiés à Lisbonne, à Barcelone, à Valence; et il paraît qu'on va l'imprimer à Anvers. Pour ma part, je ne serais pas étonné qu'elle soit bientôt traduite par toutes les nations et dans toutes les langues.» Le moqueur Carrasco ne se trompait pas. La liste des traductions du Quichotte parsemées ici et là de quelques «suites» est conséquente. Celle de Louis Viardot, qui fit les beaux jours d'un bon nombre de générations depuis le XIXe, avait ses qualités mais elle bégayait et somnolait pa