En 1953, Kojève contracte la tuberculose et doit interrompre son
action au sein du gouvernement. Il en profite pour retourner à ses développements philosophiques sur le «Système du Savoir» hégélien, et rédige les 1 200 pages de l'Essai d'une histoire raisonnée de la philosophie païenne. Ecrit l'année de la mort de Staline dont Kojève dira avoir été ému «autant que par la mort de son père» , l'Essai, censé décrire le cheminement de l'«Esprit» jusqu'à l'avènement de la «Sagesse», dissimule pourtant assez mal une tristesse personnelle et une nostalgie intellectuelle: Kojève est alors convaincu que «la fin de l'Histoire est la mort de l'homme proprement dit», et que la philosophie elle-même est morte, «car l'Homme ne changeant plus essentiellement lui-même, il n'y a plus de raison de changer les principes (vrais) qui sont à la base de la connaissance du Monde et de soi». D'où la «désinvolture» qu'on pourra trouver dans cet ouvrage, qui contraste avec la pertinence de l'Esquisse d'une phénoménologie du droit (1943), se détournant du «discours» philosophique pour s'intéresser à des questions politiques.
Ne resterait-il donc, dans la «post-histoire», que «l'Art, l'amour, le jeu, etc., bref, tout ce qui rend l'Homme heureux»? L'Essai d'une histoire raisonnée de la philosophie païenne semble appartenir à cette catégorie de plaisirs consolateurs, dont Kojève lui-même tend d'ailleurs à souligner les limites. Dans l'introduction (200 pages!), il annonce en effet qu'il ne s'agit que d'