On sait peu de choses de la vie de Titus Lucretius Carus, alias
Lucrèce (98/95-55 avant J.-C.), mais l'unique oeuvre qui nous en soit parvenue, le poème intitulé De natura rerum, a été la source de nombreux commentaires. Dans l'essai d'Agnès Lagache, le De natura rerum est avant tout présenté comme un exposé de la «pensée mécaniste», c'est-à-dire de la conception d'une nature fondée sur des lois internes, sans aucune intervention divine ou de type magique. Selon Lucrèce, qui se veut le «traducteur fidèle» d'Epicure, rien ne naît de rien, ni ne retourne au rien, le monde est infini, en extension et n'a donc pas de centre, il est composé d'atomes insécables et de vide... Comme un fil qu'il suffirait de tirer, s'en déduisent les présupposés, les non-dits, les «fantasmes» qui se cachent derrière la volonté de savoir que notre modernité estime être la plus objective la physique, et les disciplines connexes de la biologie, l'astronomie, et autres sciences dites «dures».
Le saut à travers les siècles peut sembler réducteur. Il est vrai qu'on ne tient pas dans les mains un ouvrage (de plus) d'histoire de la philosophie lucrécienne. Agnès Lagache tente plus audacieusement de prendre appui sur le De natura rerum pour analyser la psychologie sous-tendue par cette ontologie scientifique du monde. Elle confirme cependant un diagnostic déjà tiré par les historiens, à savoir que le texte de Lucrèce a bien été l'une des références de la Renaissance, et qu'en passant par le XIXe siècle allem