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Critique

Français à la turque. Un étude perçante sur l'image de la France chez d'anciens immigrés turcs revenus au pays et qui n'avaient jamais visé l'intégration. Roger Establet. Comment peut-on être français? 90 ouvriers turcs racontent. Entretiens de S. Genis et E. Adas traduits par Christine et Enver Özcan, préface de Robert Mantran, Fayard, 242 pp., 120 F.

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publié le 4 décembre 1997 à 14h48

Faute de Persan, un Turc immigré peut aussi bien porter un regard

instructif sur la France d'aujourd'hui. Et même plus distancé, si l'on songe que le voyageur de Montesquieu n'était finalement qu'un Français travesti, alors que les anciens ouvriers de Comment peut-on être français? sont de vrais Turcs qui parlent du pays dans lequel ils ont vécu et travaillé quelques années, depuis la Turquie où il sont désormais revenus. Mais c'est l'enquête sociologique dirigée par Roger Establet (1) tout entière qui est placée sous le signe de l'aller-retour. Dans le cadre d'une collaboration entre chercheurs français et turcs, ces derniers ont réalisé, entre janvier et juin 1994, les entretiens des 90 anciens émigrés dans leurs lieux de résidence, alors que les premiers assuraient le financement et procédaient à l'analyse des données à partir de l'université d'Aix-en-Provence.

L'expérience sur laquelle reviennent les interviewés est ancienne. La plupart sont arrivés en France avant 1974, l'année de l'arrêt de l'immigration légale, ou peu après comme «touristes» (clandestins) mais régularisés par la suite. Certains sont restés une vingtaine d'années, d'autres trois ou quatre ans, la majorité, une durée intermédiaire. Paysans sans terre, épiciers sans clients, ouvriers sans emploi, ils sont partis du monde traditionaliste de la campagne turque en conservant un très fort sentiment identitaire et patriotique. Leur émigration a été doublement économique: comme débouché pour une main-d'oeuvre q