«Accueillir tout ce qui a trait à la cause des noirs, et toute voix
du peuple noir qui lui paraisse mériter d'être entendue»: c'est ainsi que Gide, qui vient juste de recevoir le prix Nobel de littérature, résume le programme de Présence africaine en ouverture du premier numéro de la revue. Gide écrit encore: «Si riche et si belle que soit notre civilisation, notre culture, nous avons enfin admis qu'elle n'est pas la seule; pas les seuls nos façons de vivre, nos critères, nos cultes, nos credo.» Rappelant ensuite que l'Afrique a commencé à se faire entendre en Europe par la musique puis par les arts plastiques, Gide constate qu'en revanche «la littérature restait en retard, inexistante ou tout au moins insoupçonnée, insoupçonnable», et que son essor passe par le français, «instrument d'emprunt, et qui risque de tout fausser».
Il peut paraître curieux d'avoir confié cette tâche à un homme blanc, fût-il l'auteur du très anticolonialiste Voyage au Congo, mais pour Alioune Diop, il était capital d'associer les intellectuels européens à leur démarche: sous-titré «Paris Dakar», le numéro 1 de Présence africaine veut jouer les passerelles et comprend autant de textes écrits par des Blancs que par des Noirs. Signalons notamment la présence de Sartre et de Mounier, apportant le double parrainage des deux grandes revues de l'époque, Esprit et les Temps modernes.
Sartre lui aussi souligne les enjeux de ce choix du français: «La vérité, c'est que les noirs tentent de se rejoindre eux-mêmes