Parmi les rares témoignages écrits en Pologne pendant la Shoah, il
faudra désormais ajouter le journal du jeune David Sierakowiak, mort au ghetto de Lodz en 1943 à l'âge de 19 ans, et qui tint pendant quatre ans la chronique de la vie quotidienne. Son témoignage intégral aura mis toutefois cinquante ans à nous parvenir: des cinq cahiers de brouillon recouverts d'une écriture serrée et retrouvés à la fin de la guerre dans l'appartement où il avait vécu jusqu'à sa disparition, moins de la moitié fut publié en Pologne en 1960. En pleine vague d'antisémitisme, les autorités communistes polonaises bloquèrent en 1968 une première édition intégrale et ce n'est que l'an dernier que celle-ci put être menée à bien par Oxford University Press.
A bien des égards, le journal de David Sierakowiak est un document exceptionnel. On connaît depuis peu dans sa version française le journal qu'Adam Czerniakow, président du Judenrat (Conseil juif) du ghetto de Varsovie, tint jusqu'à son suicide en 1942: la tragédie sans issue d'un sexagénaire aux prises avec des responsabilités accablantes. Ce n'est pas le cas de David Sierakowiak, un adolescent insouciant soudainement plongé dans l'enfer. Mais pour autant David Sierakowiak n'est pas exactement n'importe qui. Intelligent, sensible, cultivé, il est d'une maturité étonnante. Ne projette-t-il pas dès août 1939 - il a 15 ans à peine, et la guerre n'a pas commencé - de rédiger «un ouvrage sur l'avenir immédiat de la communauté juive», avec guerre victor