Depuis la publication des volumes de Temps et récit entre 1983 et
1985, et son retour des Etats-Unis à cette dernière date, Paul Ricoeur jouit d'une reconnaissance philosophique incontestée. Loin de l'existentialisme sartrien, et tenu à l'écart de la famille structuraliste, ce philosophe non marxiste né en 1913 a pourtant été longtemps sous-estimé dans la vie intellectuelle française. La biographie que François Dosse lui consacre vient rendre pleinement justice à un homme et à une oeuvre marquée par une attention herméneutique aux textes et grandie dans le perfectionnement d'une éthique. A partir de cent soixante-dix témoignages, Dosse décrit un «entrecroisement d'itinéraires et de rencontres successives» où s'éprouve sans doute bien la vérité du philosophe. Fidèle à ce qu'il appelle sa «subjectivité négative», Ricoeur n'a pas jugé utile de rencontrer son biographe ni de lui donner accès à ses archives.
Toujours est-il que la période américaine aura fait de Ricoeur, formé aux écoles européennes, en particulier à la culture allemande, à la phénoménologie husserlienne et à la pensée heideggérienne, l'un des premiers lecteurs des philosophes anglo-saxons. Commentateur de John Rawls et connaisseur de la philosophie du droit qui s'est particulièrement développée outre-Atlantique, Ricoeur défend aujourd'hui une pensée politique fondée sur la notion de justice, concept central dans sa pensée. Le second élément dominant de la philosophie de Ricoeur tient dans l'éthique et s'illustr