oeuvre démesurée, le Mythe de croisade a failli ne pas être édité.
Circulait certes la légende de ce très volumineux tapuscrit, mais les disciples eux-mêmes n'y avaient pas accès, se contentant des bribes inspirées que distillait le maître dans ses cours. Ce n'est qu'en 1987 qu'Alphonse Dupront s'était décidé à sa publication, après l'accueil fait à son Du sacré. Croisades et pèlerinages. Images et langages (Gallimard), une sorte d'introduction à l'opus majeur. Il a alors 82 ans. Il lui reste trois ans de labeur fébrile, pour la refonte de l'immense matériau. En 1990, à 85 ans, l'historien meurt. L'éditeur n'abandonne pas le chantier, avec ses quatre tomes, et plus de 2 000 pages.
Si Alphonse Dupront a beaucoup écrit et publié peu, c'est qu'il n'a cru qu'au verbe, à la parole, et considérait l'écriture comme une activité seconde. Cela lui venait probablement d'une origine très modeste dans une famille paysanne du Sud-Ouest (il était né à Condom en 1905), mais aussi d'une proximité assez mystique avec le collectif, le peuple anonyme dont il s'est toujours senti proche, au point de vivre sa sortie de la communauté primitive comme son péché originel. Ayant débuté sa scolarité à Toulouse, il est khâgneux à Henri IV à Paris avec Alain, reçu à l'Ecole normale supérieure en 1925 puis boursier à l'Ecole française de Rome en 1930-1932; après avoir été directeur de l'Institut français des hautes études de Bucarest, il adhère à l'appel du 18 juin 1940. La croisade est déjà le sujet de sa