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Libération
Interview

Chine, du pinceau...à la pensée. Comment s'est façonnée cette autre manière de voir le monde, aux antipodes de notre philosophie, par Anne Cheng. Entretien. Anne cheng, Histoire de la pensée chinoise Seuil, 660 pp., 240 F.

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publié le 8 janvier 1998 à 22h05

«Il en est de la pensée en Chine comme de la peinture de paysage:

les Chinois n'ont jamais éprouvé le besoin de reconstituer la vision en perspective qui suppose un point de vue idéal. Ils lui ont toujours préféré la "perspective cavalière.» Née en France de parents chinois, Anne Cheng peut en revanche jouer du double regard dans son Histoire de la pensée chinoise. De loin, elle embrasse les presque quatre millénaires au cours desquels s'est façonné cet «autre pôle de l'expérience humaine». De près, voire de l'intérieur, elle dessine les personnages marquants d'une pensée dont le signe distinctif semble être la continuité. L'absence de toute ontologie et surtout le souci de l'action font de cette pensée une connaissance non dialectique et finalement non philosophique, du moins par rapport au paradigme grec. Cumulative, mue par une dynamique spiraloïde qui s'efforce de capter et de restituer le flux incessant des transformations, la pensée chinoise manifeste son originalité bien plus dans ses enjeux que dans son contenu théorique. L'ordre social et l'ordre cosmique se rejoignant et se confondant, il s'est agi dès lors pour tout penseur chinois «non pas de toujours mieux raisonner mais de toujours mieux vivre sa nature d'homme en harmonie avec le monde». Fille du sinologue François Cheng, Anne Cheng est professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales.

Vous ne parlez pas de philosophie mais de pensée chinoise, pourquoi?

J'ai longtemps hésité sur l'intit