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Libération
Critique

L'Affaire du siècle

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Il y a cent ans, l'affaire Dreyfus connaissait un tournant décisif avec la publication du «J'accuse...!» de Zola, l'entrée en scène des intellectuels et la décision de révision du procès. Avalanche commémorative.
publié le 8 janvier 1998 à 22h21

L'année 1898 est un tournant décisif dans l'histoire de l'affaire

Dreyfus. Tournant stratégique, qui aboutira à la décision de réviser le procès de 1894, tournant politique ensuite: l'Affaire déchaîne les passions et change peu à peu de portée. Pourtant, tout débute mal. Le 11 janvier, le Conseil de guerre acquitte à l'unanimité Esterhazy, le véritable auteur du bordereau, auquel la foule fait un triomphe aux cris de «Vive l'armée: Morts aux juifs!». Le lendemain, le colonel Picquart est mis aux arrêts et le sénateur Scheurer-Kestner privé de sa vice-présidence. «Tout était fini, tout était perdu», devait écrire plus tard Léon Blum. L'événement témoignait en fait de la faillite d'une stratégie, celle des dreyfusards de la première heure (Mathieu Dreyfus, le «frère admirable», Bernard Lazare, Joseph Reinach, Scheurer-Kestner), qui avaient cru pouvoir user des voies légales pour obtenir la révision du procès. La publication par Zola de J'accuse...! le 13 janvier, constitue une rupture essentielle, marquée par l'appel à l'opinion publique et la volonté de porter l'Affaire devant une juridiction civile, pour donner à Dreyfus, déporté à vie à l'île du Diable en Guyane, le procès qu'il n'avait pas eu. L'article, dont le retentissement est considérable, provoque en effet l'entrée en scène des «intellectuels».

Tandis que se multiplient les manifestations hostiles à Zola, que le gouvernement a décidé de poursuivre, la presse publie les premières Protestations de savants, d'universitai