Parmi les souvenirs de Marjorie, celui de son dépucelage au Sky-Vue
Drive-In, pendant une projection de Halloween, à l'arrière d'un Ford Ranger. ça faisait mal, bien sûr, «comme quand on commence à avoir ses règles». Elle en a «dégobillé». «Au-dessus de moi, à l'envers, raconte-t-elle, Jamie Lee Curtis traversait un cimetière en voiture avec cette autre fille, défoncées toutes les deux. Monty s'est arrêté tout d'un coup et m'a lâché son haleine chaude en pleine figure avant de retomber sur moi comme si on venait de le poignarder.» C'est un peu raide. Comme le crank, une défonce maison fabriquée «avec de l''acide muriatique et des inhalateurs Vicks». Ou les pilules de speed qu'on trouve dans l'Oklahoma et qui «vous font mouiller des gencives» («C'était dingue, il fallait tout le temps cracher»). Des histoires comme ça, Marjorie en a plein. Elle ne lésine pas sur les détails. Après tout, c'est ce qu'on lui demande. Dans le quartier des condamnés à mort, où elle attend qu'on statue sur un ultime recours en grâce, Marjorie met à profit ses dernières heures pour se délester de ses souvenirs et recomposer un itinéraire qui a banalement viré au fait divers. Elle y met du coeur. Elle s'adresse à Stephen King. Seule face au magnétophone, elle répond à 144 questions et fournit la matière du thriller qu'il va tirer de son histoire. Passée au tamis de ce canevas sophistiqué, traversée de décrochages illuminés, sa confession reste douloureusement présente. Stewart O'Nan, écrivain de tren