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Critique

La haine fraîcheL'approche d'une passion meurtrière à travers Caïn et Abel, les récits bibliques, Freud, Lacan et autres histoires de divan, par Jacques Hassoun. Jacques Hassoun. L'Obscur Objet de la haine. Aubier, 134 pp., 90 F.

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publié le 15 janvier 1998 à 16h11

On aurait tort de voir dans la haine le verso de ce qui, en recto,

serait amour. Quelque ressemblance existe, certes. L'amour ne souffre ni l'éloignement, qui l'étiole, ni la «fusion», qui abolit la différence entre l'aimant et l'aimé: il recherche la plus petite distance possible. La haine fait de même: elle naît et croît entre «presque semblables», entre peuples voisins, entre frères et cousins, entre soi et soi, celui que l'on est et celui qu'on voudrait être. Mais si l'amour veut tout le bien de l'autre, la haine fait plus que vouloir tout le mal: elle veut, comme le disait Aristote, «que le haï n'existe pas». C'est pourquoi on la dit habituellement «tenace», «immortelle», «ancestrale»: si elle peut sauter des générations et retrouver intacte sa virulence, c'est qu'elle n'en a jamais fini de réduire l'être à néant. Pour être certaine que l'être haï «n'existe vraiment pas», la haine voudrait que tous ceux qui l'ont fait être n'eussent jamais existé. L'antisémite ne hait point un juif seul: il les hait tous, sur toute la surface géographique et dans toutes les souches généalogiques. La haine cancérise le rapport à l'autre et, par ricochet, le rapport à soi, dissout le lien social, trace dans l'histoire des lignes de mort et de persécution: aussi autorise-t-elle toutes les approches, littéraire, sociologique, philosophique et, naturellement, psychanalytique.

Pour décrire l'Obscur Objet de la haine, Jacques Hassoun en appelle à Freud, à Lacan, et à sa propre expérience du div