Une chèvre récalcitrante enlevée par la grue d'une brigade de travail, ça n'existe pas, c'est un des mauvais rêves nombreux de Pierre le Grand dans les Cloches d'Einstein. Pierre le Grand existe, du moins il vivote sous ce pseudonyme au plus haut niveau de l'IRA (Institut de recherche de l'anabase de l'Académie des sciences slovaque et du comité central du Parti communiste slovaque), avant de subir une mise à l'écart aussi spectaculaire que son ascension. Tout le roman de Lajos Grendel (le deuxième traduit après Tir à balles à l'Harmattan en 1986) est faufilé de scènes loufoques où cauchemarde «le socialisme réel et développé». Outre des fonctions d'observatoire national, l'IRA est un atelier de confection (sa couverture) et un centre de surveillance pour sociologues ex-soixante-huitards. Le camouflage n'empêche pas d'honorer «les commandes de la marine africaine et des moines tibétains». Les couturières se déguisent en boulangers pour protéger les déplacements de leur patron, un académicien dont la manière de tirer un coup chaque matin ne relève en rien de la prouesse sexuelle. Pour le sexe, se rendre à la coopérative de jardinage qui cache le bordel du parti. Le parti est partout. Jusque dans la chambre conjugale du narrateur, époux d'une biologiste un peu bornée spécialisée dans le rendement des poules. Il l'a rencontrée au cours d'«une excursion obligatoire à bicyclette».
Mais, au fond de lui, résonne une grosse voix qu'il nomme «Mon Moi Inégalable», alias le surmoi, ou l