Sissy c'est moi, c'est lui qui le dit, Lapeyre. Il le dit pour rire,
il le dit à cause de Flaubert, bien sûr, en souvenir de la maîtrise qu'il fit, étudiant, sur la bêtise en littérature, alors forcément, Bouvard, Pécuchet, les idées reçues. Il dit Sissy c'est moi, pour qu'on se demande qui est ce «moi» sur la couverture, il dit «c'est moi» parce qu'il faut bien un volontaire et qu'en aucun cas Sissy ne saurait être madame Bovary. Il dit «c'est moi» parce que c'est celui qui le dit qui y est. C'est un message explosif, comme ces petits billets qu'on se passait naguère, la main en bouchon de fou rire: «merde à celui qui le lira». «Sissy, c'est moi» signifie aussi: «Sissy, c'est celui qui le lira», vous et moi.
Madame Bovary, c'était quelqu'un, c'est quelqu'un, un type qui nous ressemble, qui ressemble à Flaubert, ça le regarde, on peut trouver quelque chose de soi en madame Bovary, si on veut. Sissy, non. Sissy c'est le contraire, c'est elle qui trouve quelque chose d'elle en nous, pour exister un peu, se faire croire, se constituer en quarante-quatre petits tableaux à la fois cohérents et contradictoires, sur la couverture on dit qu'elle est une allégorie, c'est-à-dire une abstraction, une idée générale, une idée en quête d'incarnation et, en attendant: de l'encre sur du papier.
Pour son cinquième roman, Patrick Lapeyre réussit un exercice de pure littérature, donner corps (et quel corps, lourd: «Sissy est actuellement à 180% de son poids théorique, calculé à partir de la for