Ce sont deux écrivains qui reviennent à leurs premières amours goncourisées: Patrick Grainville, lauréat 1976 avec les Flamboyants, et son cadet Andreï Makine, qui l'emporta en 1995 pour le Testament français. On sait qu'un Goncourt et le bavardage à prétexte littéraire qu'il suscite vous habillent, non pour l'hiver, mais pour la vie: Grainville, dont l'écriture épousait si fort son propos, est depuis resté définitivement «flamboyant»; quant à Makine, l'héritage de son Testament n'est pas près de le débarrasser de cette tant médiatique image d'hébété dostoïevskien, de sa fonction de prince Mychkine de nos lettres. A leur objet fétiche, Afrique flamboyante et nostalgie russe, l'un et l'autre se re-collent avec énergie.
Le Tyran éternel de Grainville, plus que comme un autre roman «africain», se lira comme une fable géopolitique dont la morale est néocolonialiste. L'affaire se passe de nos jours, dans la Côte-d'Ivoire de l'après-Houphouët Boigny, où le fantôme du dictateur observe, d'outre-tombe, l'agitation de ses opposants, leur acharnement à le faire définitivement disparaître dans l'anéantissement de ses symboles au premier rang desquels sa cathédrale de Yamoussoukro. Autour de la préservation d'une réserve naturelle que des financiers européens prétendent transformer en centre touristique international, le grand poète local Sylvanus organise la croisade en prenant pour étendard le maudit, le lépreux, le galeux: le fils bâtard et albinos du vieux chef disparu. ça pulse et