Cette expérience au milieu des Barbares, des ennemis de la
civilisations peut-elle durer longtemps?», s'insurge en septembre 1914, trois semaines seulement après l'arrivée des Allemands, le jeune Yves Congar, alors âgé de 10 ans. Il lui faudra évidemment en rabattre, car à Sedan, où se déroule l'action, l'occupation allemande ne prit fin qu'en novembre 1918. Quatre longues années au total, durant lesquelles le jeune garçon tient, presque au jour le jour, son «journal de la guerre franco-boche», couvrant d'une grosse écriture d'enfant et d'une multitude de dessins et de frises cinq cahiers d'écoliers, que Le Cerf publie aujourd'hui dans une très belle édition, annotée et abondamment illustrée.
Ce document exceptionnel (rares sont en effet les journaux de jeunes garçons, surtout à cette période) nous introduit d'abord au coeur du roman familial de celui qui allait devenir une des figures de proue du catholicisme français, théologien puis cardinal influent, artisan majeur du concile Vatican II. Rédigé alors qu'il avait entre 10 et 14 ans, son journal permet aussi d'assister à l'entrée en écriture d'un enfant hors du commun, qui fut d'emblée soucieux de faire oeuvre littéraire pour témoigner de la souffrance des «envahis».
Mais la portée du texte dépasse largement cette seule histoire personnelle pour intéresser toute l'historiographie de la Grande Guerre. Il permet en effet de saisir au plus près, et sur le long terme, ce que fut en 14-18 «la vie aux pays occupés» réalité souvent