Charles-Louis Philippe publie Marie Donadieu en 1904. Trois ans
auparavant, Bubu de Montparnasse, son livre le plus connu, a été publié par les éditions de la Revue blanche, pas dans la revue elle-même, l'histoire était trop interlope. Les pages dirigées par Thadée Natanson abritent cependant le Père Perdrix et quelques «faits divers» ainsi commentés par Philippe: «J'y donnais raison aux assassins parce qu'ils sont actifs et qu'ils introduisent le hasard dans leur vie.» Il donne raison à Marie Donadieu qui «eût été intelligente sans la chaleur de son sang» parce qu'elle se laisse conduire par ses désirs, jusqu'au malheur, tant pis. Petite provinciale élevée par ses grands-parents, elle suit à Paris un étudiant. Elle ne fait rien d'autre que chercher de l'amour au hasard des rencontres, et c'est pour cette raison que le roman est moderne. Il échappe au destin.
Marie Donadieu, moins tenu que Bubu, est d'un registre plus varié. La misère dicte l'épure à certains endroits, mais les sentiments sont doués d'une vie propre, ils circulent entre les personnages, visibles à l'oeil nu. L'auteur conjugue les verbes avec un plaisir qu'on rencontre peu aujourd'hui, sauf dans les livres de Pierre Michon. La mère de Marie a épousé Félix: «Les premiers temps, il lui passait par la face un frisson, comme si elle présentait son coeur à l'élévation. Et puis la joie des familles casse, soudain le bonheur est déjà sec. Félix, un beau jour, découcha: il n'était que passionné! Alors la vie commen