«James Bond détacha sa ceinture, alluma une cigarette et sortit de
son élégant attaché-case un exemplaire du Masque de Dimitrios». Cette petite phrase glissée malicieusement au détour d'un roman de Ian Fleming est un signe non négligeable de l'admiration qu'ont toujours portée à Eric Ambler les autres membres du club très fermé des auteurs de roman d'espionnage anglais. Eric Ambler, personnage ombrageux et têtu, qui refuse de voir aujourd'hui ses livres édités dans son propre pays, a peu à peu conquis le public français trop longtemps rebuté, en matière de fiction d'espionnage, par une production de masse à présent totalement tombée en désuétude. Né au sud de Londres en 1909 de parents artistes de music-hall, Ambler se lance très jeune dans la publicité. Mais à l'existence superficielle des gens de son milieu, il préfère la lecture de Jung et de Nietzsche et l'écriture. La montée du nazisme lui inspire son premier roman, Frontière des ténèbres, publié en 1936. Puis il entreprend de voyager séjournant d'abord à Paris. Il parcourt le pourtour méditerranéen qu'il observe avec une attention soutenue avant d'en faire le théâtre de plusieurs de ses meilleurs récits d'atmosphère. Son troisième livre, Epitaphe pour un espion, ressemble au scénario d'un film d'Hitchcock: un innocent accusé d'être un espion, tente d'échapper aux maléfices de la Riviera française. L'écriture d'Ambler est méticuleuse, obsessionnelle, préfigurant celle d'un Modiano. Ses héros sont des désenchantés aux