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Libération
Interview

Marie Darrieussecq «Ce livre est né de la peur du noir.»

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Darrieussecq, du cochon au volatil.
publié le 26 février 1998 à 18h59
Comment sort-on d'une expérience comme Truismes?

Très fatiguée comme après une crise de folie de six mois et totalement extériorisée, publique, retournée comme un gant. Quand je me voyais dans les journaux, j'avais le sentiment que ce n'était pas moi. Je jouais dans un conte de fées délirant et souvent violent et surtout je n'avais plus le temps de rêver. Or, pour moi, cette rêverie précède l'écriture, elle en est la condition. Je voulais retrouver ce temps du rêve. Alors j'ai écrit un livre sec comme une traversée du désert, un retour en moi-même. Ce livre ce n'est pas Naissance des fantômes mais Iridium, voyage imaginaire dans une Europe d'après le Mur et hantée par Tchernobyl. Iridium est le livre de l'entre-deux, que je n'ai pas voulu publier parce qu'il n'est pas encore au point, et que je voudrais d'abord écrire les deux autres voyages qui le complètent. Iridium m'a aidée à garder le cap. A peu près à la même époque, je me suis mariée. Autre façon de signifier ce qui compte vraiment. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à rêver à Naissance des fantômes.

Pourquoi les fantômes?

Cela fait un sacré moment que je rêve aux fantômes. J'adore Henry James, Stephen King, la littérature fantastique. J'aime bien l'idée qu'il y a des fantômes partout, même si je n'y crois pas. Il y a des fantômes dans toutes les familles. Ils naissent du secret, du non-dit, du silence. Je les sens. Regardez le procès Papon, il est ceinturé de fantômes. Il suffit de les nommer, et on sait déjà mieux où on en est. Et puis fondamentalement j'ai peur du noir. On se met à