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Critique

Nietzsche, ses vies, ses oeuvres. Parce qu'ils oscillent entre pensée philosophique et oeuvre d'art, les écrits de Nietzsche ouvrent la porte à des interprétations divergentes. Ainsi en parlaient Karl Löwith et Karl Schlechta.

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publié le 26 février 1998 à 20h20

C'est vrai de tous les «grands philosophes»: aucune interprétation

n'épuise leur pensée. C'est encore plus vrai de Nietzsche. Parce qu'il est lui-même un «cas», parce qu'il se plaît à philosopher «à coups de marteau», et parce que son oeuvre, inspirée, portée par une «héroïque fureur», tient aussi de l'oeuvre d'art. Cela ne veut pas dire que toutes les «interprétations» se valent, mais que celles qui finissent par s'imposer donnent naissance, elles aussi, à des «traditions» divergentes. Le Nietzsche de Karl Löwith et le Cas Nietzsche de Karl Schlechta, aujourd'hui réédités en poche, sont, à cet égard, emblématiques.

Elève de Heidegger, dont il fut ensuite, concernant son adhésion au nazisme, un «témoin à charge», longtemps en exil en Italie, au Japon et aux Etats-Unis, Karl Löwith considère le marxisme et l'existentialisme comme les deux moments culminants de la philosophie contemporaine, caractérisés par l'historicisme et le relativisme. C'est justement à vouloir inverser ces tendances que Löwith trouve la pensée de Nietzsche, dont il voit le foyer dans la notion d'«éternel retour», qui réduit le temps linéaire de l'histoire au temps cyclique de la nature, et donc permet de récupérer cette «éternité» niée par le relativisme historiciste. A la prophétie de l'éternel retour, Löwith voit cependant un préalable: «le dépassement du nihilisme par l'homme se dépassant lui-même», à savoir la doctrine du surhomme et de la volonté de puissance, «dernière pensée» de Nietzsche, unifiant