La question resurgit régulièrement: à quoi ça sert d'apprendre le grec ou le latin à l'école? Langues «mortes», elles semblent vouées à un ensevelissement inéluctable. Mais chaque langue a d'abord sa vie, son lieu et sa date de naissance; et peut-être surtout aucune ne meurt-elle de la même manière ni jamais vraiment. Le grec, précisément: Jean-Pierre Vernant, professeur honoraire au Collège de France, soulignera son extraordinaire survie comme le chinois, c'est une langue qui a peut-être 4 000 ans d'existence.
Cependant, les Grecs contemporains ne parlent pas exactement la même langue qu'Homère. Idem pour le latin, dont l'italien d'aujourd'hui ne garde qu'un souvenir: la langue de Cicéron reste à jamais figée dans la coque de son temps perdu, fugace. Emanation de Rome, le latin ne s'imposera qu'après avoir secoué le joug étrusque, juste quelques décennies avant notre ère, et s'éteindra avec l'effondrement de l'empire, 500 ans plus tard. Le latin a aussi une forme de fragile transparence: le grec, rappelle l'écrivain Pascal Quignard, se sera maintenu au sein de l'empire à tel point que Marc-Aurèle, pourtant fondateur de l'enseignement scolaire en latin, écrit son journal intime dans la langue de Socrate. De même, le prétendu «Tu quoque, fili!» de Jules César couvert de sang n'est qu'une traduction de l'exclamation réelle, qui fut plus certainement prononcée en grec...
Cependant, la structure flexionnelle de la langue latine en fait une langue administrative par excellence, e