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Libération
Critique

Le champ des partisans. Dans un manuscrit retrouvé trente ans après sa mort, Beppe Fenoglio fait le récit intense de son expérience de résistant, où s'enracine l'oeuvre à venir. Alessandro Gennari choisit, lui, la reconstitution historique. Beppe Fenoglio. La louve et le partisan. Traduit de l'italien par Monique Baccelli, Gallimard «L'Arpenteur», 132 pp., 95 F. Alessandro Gennari. Les lois du sang. Traduit de l'italien par Jérôme Nicolas, Seuil, 236 pp., 125 F.

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publié le 12 mars 1998 à 22h44

Ils ont beaux être figés, les espaces-temps historiques ne cessent

de se croiser, une fois captés par ces autres échangeurs de mondes que sont les machines romanesques. Mais ces rencontres donnent souvent lieu à des heurts violents, comme s'il y avait, pour une époque donnée, une vérité esthétique unique ! une aura intangible, au sens de Walter Benjamin ! qui la sauverait des réécritures faciles. Ainsi de la résistance italienne contre les fascistes et les nazis alliés au cours de la dernière guerre mondiale, et de ses suites. Dernière confirmation, la sortie presque concomitante en Italie de deux premiers romans écrits à presque cinquante ans de distance. Traduits synchroniquement, l'un et l'autre paraissent aujourd'hui en France: rédigé en 1946, la Louve et le partisan de Beppe Fenoglio (1922-1963) a été retrouvé en 1993, trente ans après la mort prématu- rée de l'écrivain piémontais, et édité en 1994; publié un an plus tard, les Lois du sang d'Alessandro Gennari embrasse la période qui va de la lutte partisane à 1948, soit l'année précédant la naissance de l'auteur.

Résistant, Beppe Fenoglio a eu du mal à s'affirmer comme l'écrivain de la Résistance. Parce que il n'était pas communiste dans une culture qui l'était fortement, et que sa résistance avait partie liée avec l'existence, plus qu'avec l'idéologie. Mais aussi parce que Fenoglio aime ne pas quitter ses travaux en cours, au point que ses livres inachevés, la page non finie, bref l'art à l'état brut, devient chez lui u