On ne savait rien en France de Luciano Bolis jusqu'à cette
traduction de Mon grain de sable. En revanche, ce court texte, publié dès 1946 par Einaudi sur les conseils de Natalia Ginzburg et Cesare Pavese, a acquis en Italie le statut d'un «classique» de la littérature de la Résistance, constamment réédité. Bien qu'écrit dans une langue distanciée, blanche, Mon grain de sable est un des récits les plus atroces qui soit: Luciano Bolis, qui était à Gênes l'un des responsables des mouvements de partisans, est arrêté en février 1945 par les Brigades noires. Le régime fasciste est alors d'autant plus déchaîné qu'il sait sa fin proche. Agé de 25 ans, Luciano Bolis est sauvagement torturé mais ne parle pas, renforçant la haine de ses tortionnaires. Quand il croit venu le moment où il risque de céder, il décide de se suicider: la mort lui apparaît alors si lumineuse et libératrice qu'il ne recule devant aucune tentative pour arriver à ses fins. Ebranlés par son courage ou seulement machiavéliques, ses geôliers le conduisent à l'hôpital où il reste plusieurs semaines entre la vie et la mort, avant que des médecins compatissants ne le sauvent (plus tard, il épousera une des ses infirmières, avec qui il vivra jusqu'à sa mort en 1993) et qu'il ne récupère assez de forces pour organiser et réussir son évasion, avec le soutien de ses camarades à l'extérieur et des sympathisants sur place.
Quelques mois après, Luciano Bolis entreprend le récit de ce qu'il appelle une «aventure». Sans «prétent