São Paulo envoyé spécial,
Malgré son goût pour les mondes aberrants, Bernardo Carvalho, quand on le rencontre, est un brin inquiet: il va bientôt passer huit jours enfermé avec internet comme seul lien avec le monde. Tiendra-t-il? C'est une expérience commandée par la Folha de São Paulo, un reportage exclusif s'il survit. Comme son premier livre, Aberration, recueil de nouvelles traduit l'an passé (cf. Libération du 29 mai 1997) les Ivrognes et les somnambules moleste la réalité: le narrateur est, en effet, atteint d'une tumeur au cerveau qui va «modifier, d'une façon d'abord imperceptible, mais radicale ensuite, et sans [qu'il s'en] rende compte, [s]on comportement, [s]a personnalité». Nous voilà mal barrés pour répondre à la traditionnelle question universitaire: «Qui parle dans le roman?» Le processus de dépersonnalisation du récit va passer par l'explosion initiale d'un avion, un psychiatre fou égaré au Chili, un peintre qui fait poser des cadavres , un travesti, Los Angeles, Emma Thompson, des tas de lettres mystérieuses et surtout une série de prétendus éclaircissements qui n'en sont pas, nous laissant plus que jamais les dindons de ce voyage assez borgésien.
Souhaitez-vous piéger vos lecteurs?
Je n'ai pas l'impression. En fait, les personnages semblent soumis à une règle qui leur échappe. Or on croit que le narrateur, l'écrivain, maîtrise ça, mais on s'aperçoit à la fin que ce n'est pas vrai. Je rêve de faire un livre dépliable, avec des pages qu'on pourrait dérouler à