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Libération
Critique

La bête dans la jungle.

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publié le 19 mars 1998 à 20h55

Ce texte est complètement hors de l'ordinaire. Publié en 1961 par

João Guimarães Rosa (1908-1967), l'auteur de Grande sertão: Veredas (en français: Diadorim), il est constitué du monologue d'un chasseur dont il s'avère, par les seules phrases qu'il prononce, qu'il est en train de se transformer en jaguar. Un voyageur qu'il semble en train de secourir l'écoute, dont les réactions ne sont données à comprendre au lecteur que par les intonations dans le discours du narrateur. Se mêlent ainsi les vocabulaires portugais, indien (le chasseur l'est à demi) et animaux. Les derniers mots du livre, accompagnés d'une note du traducteur qui les explique en partie, sont: «Hou" ou" héhéhéhê" hêhê" hê" hê"» On comprend que la tâche de Jacques Thiériot a dû être rude (et le traducteur s'en est très bien tiré). C'est un chasseur qui parle, au début, un simple chasseur. «J'suis pas grand-chose, une bête de la forêt.» Mais il devient vite clair que son auditeur, le voyageur en piteuse posture, le redoute. «Ayez pas peur, je suis là», dit le narrateur. Cette présence devient rien moins que rassurante. Le locuteur n'est pas un fameux connaisseur de la culture humaine. «J'aime pas trop savoir de choses, ça me donne mal à la tête. Je sais seulement ce qu'une once elle sait. Mais ça, je sais, tout. J'ai appris.» C'est dans l'intimité que donne leur chasse, le fait de les pister et de les tuer (un temps, avant d'y renoncer), que s'est forgée cette connaissance des jaguars et de leur famille. «C'est-i