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SPIEGELMAN. Mauschwitz

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LES AUTEURS DE NOS 25 ANS. 1987. Dans «Maus», les juifs sont des souris et les nazis des chats. Pour écrire cette BD unique, un fils de survivants de la Shoah a interrogé son père qui ne voulait pas parler. Comment dessine-t-on la mémoire ?
par Michka ASSAYAS
publié le 19 mars 1998 à 20h56

Art Spiegelman a trente-neuf ans. Pas très grand, le front dégarni, une petite tête rentrée dans les épaules, il a l'oeil enfantin et le sourire craintif des enfants et des vieillards. Il inspire une sympathie immédiate. A New York, où ses parents se sont installés en 1950, Spiegelman exerce plusieurs activités, toutes liées au dessin : il édite à ses frais, depuis 1980, Raw, un magazine de graphisme et de bandes dessinées, et donne des cours de bande dessinée à la New York School of Visual Arts. Il est connu depuis longtemps dans le milieu de l'illustration d'avant-garde : ses planches ont été recueillies en 1977 dans un album intitulé Breakdowns. Il a beaucoup oeuvré pour diffuser auprès des initiés le graphisme européen de Swarte ou, plus récemment, de Pascal Doury. Mais, depuis 1980, il élabore lentement un récit à la première personne, Maus, où il a choisi de raconter l'histoire qui lui tient le plus à coeur : celle de sa famille, des Juifs polonais rescapés d'Auschwitz. A raison de vingt planches par an, publiées au fur et à mesure en fascicules dans Raw, Art Spielgelman a pu réunir, l'an dernier, un petit livre dessiné qui a connu aux Etats-Unis un succès immense.

L'histoire racontée dans Maus commence au milieu des années 20 dans une petite ville de Pologne près de la frontière allemande ; elle se termine abruptement en 1944, à Auschwitz. Spiegelman souhaitait mener le récit à son terme, situé de nos jours, avant d'en faire un livre. Mais les circonstances en ont déci