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Libération
Critique

Marilene morose .

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Femme, noire et d'origine pauvre, Marilene Felinto se dit marginale. Seulement parfois, elle déborde. Un roman cru sur la violence des origines.
publié le 19 mars 1998 à 20h24

São Pauloenvoyé spécial

Cette semaine-là, Marilene Felinto, 41 ans, se fait remarquer en accusant dans la Folha de São Paulo Spielberg et son Amistad de se faire de la thune sur le dos des Noirs: «Durant presque un siècle d'apartheid en Afrique du Sud, les USA (et l'argent juif) n'ont rien fait de significatif contre le génocide.» Protestations. Une réponse dans Folha renouvelle la fameuse blague sur les juifs qui auraient coulé le Titanic: «­ Ah bon, je croyais que c'était un iceberg. ­ Iceberg, Rosenberg, Goldberg, c'est du pareil au même», en ajoutant: «Et maintenant Spielberg.» Marilene Felinto avait pourtant l'air plus policée que ça, trois jours auparavant dans les locaux de la Folha, déclarant qu'elle ne se sentait pas noire et que le militantisme n'était pas son truc.

L'écriture vient à Marilene quand sa famille quitte son Nordeste misérable et natal pour São Paulo. Elle a 11 ans, c'est le traumatisme. «Tout était différent. La nourriture, la langue, le climat. A l'école, on a été mis à l'écart. J'ai dû tout réapprendre.» Elle qui détestait la lecture dévore les livres, devient l'épistolière de la famille. Elle choisit la fac de lettres, «pour pouvoir gagner ma vie à côté». Sinon elle aurait fait médecine. Cette souffrance de l'origine, de la langue (elle affectionne l'anglais, elle est traductrice), cet inconvénient d'être né ailleurs, forme le noeud des Femmes de Tijucopapo, livre d'une rare violence verbale: «Papa, fils de pute. Maman, tête de trou du cul» (p. 24)