Menu
Libération
Critique

Scliar, Juif éclairant.

Article réservé aux abonnés
Un médecin historique, une odyssée satirique en terre d'exil et de faute, le roman de Moacyr Scliar emmène la judéisté à la rencontre des Indiens.
publié le 19 mars 1998 à 20h24

Pôrto Alegre envoyé spécial

Moacyr Scliar écrit son premier livre à l'âge de 7 ans: «Il tenait en une page: c'était mon autobiographie.» Ce premier essai littéraire salué par ses parents et ses voisins n'empêche pas ce garçon, né en 1937 dans le quartier juif de Pôrto Alegre, de se diriger vers la médecine: «Aujourd'hui je suis consultant en santé publique, mais j'ai longtemps travaillé huit heures par jour en écrivant la nuit. C'était complémentaire, parce que la santé publique m'a révélé la réalité brésilienne, j'ai vu les favelas de Pôrto Alegre, l'intérieur du pays"» Aussi bien Sa majesté des Indiens met en scène un personnage réel, Noël Nutels, médecin d'origine juive russe comme Scliar, qui a consacré sa vie à la cause indienne. Ce héros est doublé d'un narrateur, mercier à São Paulo et juif également, antihéros qui finit dans un délire raciste, persuadé que les «ectoplasmes de sauvages» anthropophages contaminent sa nourriture et sa boisson, mais qui a la grande vertu (romanesque) de traverser l'histoire du Brésil depuis les années 20 jusqu'à nos jours, non sans avoir croisé un Isaac Babel plus bolchevik que nature. Comme son narrateur, Scliar a connu Noël Nutels. «Il disait qu'être juif l'aidait à comprendre le génocide des Indiens. A l'époque, les gens les considéraient comme des accidents de la nature, des êtres ridicules dont on pouvait rire. Noël a beaucoup sensibilisé l'opinion. En plus, il avait cet humour juif très particulier: il parlait yiddish et laissait c