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Libération
Interview

«Vous avez devant vous une femme éternelle».

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Rencontre avec l'extravagante madame Telles, dont on traduit «la Nuit obscure et moi», recueil de nouvelles où il est question de sexe, de mort, de jalousie et d'affection.
publié le 19 mars 1998 à 20h24
(mis à jour le 19 mars 1998 à 20h24)

São Paulo envoyé spécial.

Une rencontre avec Lygia Fagundes Telles est toujours un événement inattendu. «J'ai le stress et tout mon français s'enfuit. Tout le monde et son père a le stress, maintenant»,, dit la dame de 75 ans en recevant au treizième étage d'un immeuble au coeur de São Paulo. Son français est parfaitement compréhensible, elle a vécu quinze ans à Paris avec son mari Paulo Emilio Salles Gomes, mort aujourd'hui, qui, après avoir travaillé avec Henri Langlois, fut le fondateur de la Cinémathèque brésilienne. «Du vin? Du whisky?», propose-t-elle. Il est dix heures du matin. «Un vieil ami citait Nietzsche: "Il faut éviter les gens. Des hommes comme nous sont de verre et se brisent facilement. Je vais tout le temps avec des gens, à cause de ma profession d'écrivain, et je crois que je suis brisée. Dans les dessins animés, il y a un chat qui tombe en petits morceaux et se recompose, fort et invincible. Mais nous, les gens, ne sommes malheureusement pas comme les chats de dessins animés.»

La Nuit obscure et moi est le troisième recueil de nouvelles traduit de Lygia Fagundes Telles après la Structure de la bulle de savon et Un thé bien fort et trois tasses. Le titre vient de quatre vers en épigraphe: «Personne n'ouvre sa porte/ Pour voir ce qui est arrivé:/ nous sommes sorties bras dessus bras dessous/ la nuit obscure et moi"» Les neuf textes du livre, où il est question de sexe et de mort, de vieillesse, de jalousie, de solitude et d'affection, racontent en vérité une