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Libération
Critique

Bruges-la-Vive. Sylvie Doizelet dissipe les brumes de «Bruges-la Morte», le roman culte de Georges Rodenbach. Sylvie Doizelet. L'amour même. Gallimard, «L'un et l'autre», 92 pp., 85 F.

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publié le 26 mars 1998 à 21h29

Le personnage de l'Amour même , le cinquième ouvrage de Sylvie

Doizelet, s'appelle Hugues comme le protagoniste de Bruges-la-Morte, le roman le plus célèbre de Georges Rodenbach (1855-1898). Comme ce fictif solitaire, il a perdu une femme dont il conserve des reliques. L'action des deux romans se passe à Bruges, ville héroïne. Mais le lecteur n'est pas forcé d'établir les connexions. La probabilité pour qu'il ait appris par coeur le texte culte de Rodenbach, disponible dans la collection de poche Babel, et qui parut en 1892, est faible. Mais pour une fois, être non averti est une chance. C'est une chance que de ne pas savoir où Sylvie Doizelet nous entraîne. C'est une chance que d'être légèrement induit en erreur avant la lecture, par la collection dans laquelle il parait, «L'un et l'autre», d'habitude réservée aux biographies, fûssent-elles imaginaires. «L''histoire s'était passée une première fois il y a longtemps. Hugues avait décidé de continuer à vivre. Il avait tout reconstruit, tout reconquis. Une seconde vie. Les souvenirs un à un avaient disparu. Une seule région semblait à éviter, et même dans ses rêves il ne retournait jamais de ce côté, dans cette obscurité.» disent les premières lignes. Premières lignes d'un roman? D'une biographie? Le lecteur ne tranche pas. Ou aveu déguisé d'une démarche? Car celle qui oublie et reconstruit, qui relate une histoire déjà écrite, c'est bien sûr Sylvie Doizelet en s'appropriant et en réinventant le roman d'un autre. Hugues oublie