La révolte des Zandjs, qui a mis aux prises au IXe siècle des
esclaves noirs qui asséchaient les marais du Bas Euphrate au pouvoir califal abbasside, reste l'un des épisodes les plus sanglants de l'histoire de l'islam. Dans Rose noire sans parfum, son premier roman, l'Algérien Jamel Eddine Bencheikh, poète, traducteur(1) et essayiste, né en 1930 à Casablanca, et qui vit aujourd'hui en France (il est professeur de littérature arabe à la Sorbonne), reprend le fil de cette insurrection en en faisant une fiction pleine de furie. Le héros, Alî Ibn Yahia, se confectionne une généalogie imaginaire, lève une armée de Zandjs, puis les lance dans de folles expéditions contre le pouvoir califal abbasside. Sous les effets de leurs attaques, ce dernier vacille, mais ne cède pas. Au bout de treize ans d'affrontements, la Mésopotomie, haut lieu de la civilisation abbasside, se transforme en un champ de désolation. Le rêve messianique de Ali Ibn Yahia de devenir le maître de la Mésopotamie, finit en queue de poisson. Rose noire sans parfum n'est pas un roman historique dans le sens trivial du terme, mais une fable sur les rebonds de la violence en terre d'islam et les rêves fous des imposteurs. Pourquoi cet intérêt pour l'un des épisodes les plus sanglants de l'histoire musulmane? Les Abbassides ont régné de 750 à 1258 lorsqu'ils succombent à l'invasion mongole. Ils ont fondé Bagdad en 762 et la révolte des Zandjs survient environ un siècle plus tard. Elle pousse ses avant-gardes jusqu'à