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Libération
Critique

Oran, ô désespoir. Un croque-mort désespéré, un intellectuel enfermé: deux nouvelles hantées par la camarde d'Amin Zaoui, un Oranais réfugié à Caen. Amin Zaoui. Sommeil du mimosa. Le Serpent à plumes, 157pp., 109F.

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publié le 26 mars 1998 à 21h29

«Nous, écrivains algériens, sommes-nous une espèce en voie

d'extinction?», se demande Amin Zaoui en conclusion des deux longues nouvelles qui composent Sommeil du mimosa. Né en 1956, romancier et journaliste, directeur du théâtre d'Oran, Amin Zaoui a dû quitter l'Algérie en 1995 avec sa femme et ses trois enfants: certains de ses livres, qui sont aujourd'hui tous interdits en Algérie, avaient été brûlés en public par des intégristes musulmans et en 1994, il échappait de peu à un attentat à la voiture piégée. Amin Zaoui vit aujourd'hui en résidence à Caen, cité membre du réseau des «villes-refuges» constitué à l'initiative du Parlement international des écrivains afin d'accueillir des écrivains et des artistes en difficulté dans leur pays.

Mehdi, le narrateur de la nouvelle éponyme, vient d'être nommé «directeur du service communal des funérailles». Ses amis le félicitent, le voilà promu à un poste envié: en ces temps noirs, un bon croque-mort n'est-il pas bien plus utile qu'un maire dévoué? «Autour de nous, il n'y a que les obsèques, des éloges funèbres, prières des morts et pleurs. (...) Horreur dans ma tête: des listes, des noms, des inconnus, des enfants, des femmes, des hommes, des cadavres... des corps sans tête et des têtes sans corps...» Malgré ses lamentations, Mehdi est parfois sidéré par son pouvoir:«Dieu donne les vies, et moi je donne les tombes!» Pourtant, son travail l'étouffe: au bureau, glacé comme une tombe, sa secrétaire, obsessionnelle, «calme, sauvage et co