Tout l'art de Junot Díaz (30 ans, né à Saint-Domingue, beaucoup de
succès aux Etats-Unis, où il vit, pour ce premier recueil) est dans le ricochet. Il lui faut très peu de temps, très peu de place, pour effeuiller la méthode du lycéen dragueur dans la nouvelle «Comment sortir une Latina, une Black, une blonde ou une métisse», d'où il ressort que les blondes sont plus faciles, à condition qu'elles soient là. Donner rendez-vous chez soi. Quoi qu'il arrive, et, si c'est une métisse, il n'arrivera rien, éloigner la famille, faire le ménage, préparer le terrain. Planquer pour commencer les signes extérieurs de pauvreté. Pour finir, penser à les ressortir du placard. Chute du mode d'emploi de la soirée manquée: «Remets le fromage de l'Aide alimentaire à sa place avant que ta mère te tue.»
Ainsi, la mère est-elle un des axes, le plus solide. Une seule des dix histoires lui est consacrée («Aguantando»), mais la plupart installent l'émotion de sa présence, ripent sur une tendresse intraitable qui a échoué à endiguer la dérive de la famille. Pas de pathos, juste une humanité vivante. A Saint-Domingue, la mère s'éreinte à la chocolaterie, attend en vain son mari enfui à Nueva York, élève ses deux garçons. Quand le père n'est pas absent, il rend l'atmosphère irrespirable («Fiesta, 1980»). Il a fait venir les siens dans le New Jersey, il les abandonnera bientôt. Le narrateur l'exaspère à force de vomir dans la voiture: «Nos empoignades ne m'affectaient pas trop. Je désirais toujours qu'il