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Critique

Graines de violence . L'ordre social, né pour endiguer la violence, finit par se dérégler et relancer le cycle originel. Un essai désespérant de Wolfgang Sofsky. Wolfgang Sofsky. Traité de la violence. Traduit de l'allemand par Bernard Lortholary, Gallimard, 218 pp., 110 F.

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publié le 9 avril 1998 à 0h40

Ce Traité de la violence de Wolfgang Sofsky est absolument désespéré

(et désespérant). D'abord dans la démarche, car pour lui la violence est inexplicable en sa nature même, proprement intraitable, au sens où toute tentative du discours de la décomposer en éléments simples puis d'en reconstituer la figure générale est vouée à l'échec. Ensuite parce que la culture n'éloigne pas l'homme de l'inhumain mais l'en rapproche inévitablement. De la relation organique entre la violence et la civilisation, le sociologue allemand a donné une illustration saisissante dans un livre sur les camps de concentration (1). Pas plus que la violence qui s'y déploie, le camp ne peut s'expliquer, mais il peut se décrire: aucune survivance archaïque dans l'organisation de la terreur, aucun instinct sadique, mais une politique programmée de destruction de l'individu qui utilise au mieux la puissance de l'industrie moderne et l'efficacité de l'organisation étatique allemandes pour réaliser une inédite extermination de masse.

Etat, arme, passion, souffrance, torture, combat, chasse à l'homme, massacre" En quelques douze courts chapitres (où le récit vient parfois suppléer la raison qui défaille), Wolfgang Sofsky traite donc la violence contemporaine. L'Etat y joue un rôle central. Non pas qu'il soit fondé sur un contrat social, comme raconte le mythe, mais parce que «le pouvoir endigue la violence sociale en enseignant à chacun la peur que doit inspirer la violence du pouvoir». Pour maintenir l'ordre, l'