Menu
Libération
Critique

L'Eldorado de la méduse. Un lagon paradisiaque organisé par des babas cool protectionnistes. Le premier roman d'un jeune Londonien élevé au lait des jeux vidéo. Alex Garland, La plage, Traduit de l'anglais par Janine Rovet et Marianne Brun-Rovet. Hachette Littératures, 546 pp., 128 F.

Article réservé aux abonnés
publié le 9 avril 1998 à 0h38

La différence entre le héros d'Alex Garland et ses prédécesseurs de

la littérature mondiale, c'est que, quand il arrive dans l'île mystérieuse, il y a tout. Il y a des outils, des stocks de conserves, une Game Boy Nintendo, des endroits pour dormir, se laver, de l'eau douce, outre des coraux, des singes et des papayers. Les jeunes gens installés là depuis plusieurs années sont des naufragés volontaires. Ils ont trouvé leur paradis au bord d'un lagon et l'ont organisé en village de vacances à perpétuité. «On pêche, on nage, on glande, et tout le monde est si gentil.» La petite communauté, dirigée par une femme de tête, est répartie en groupes, à chacun sa tâche, la nourriture ou la menuiserie. Repos le soir, défonce conseillée, et puis au lit, on ne peut allumer de feux de camp sous peine de se faire repérer. Si le lecteur craint la secte et la métaphore totalitaire subséquente, il est vite rassuré. Du moins, sur ce point précis. La trouvaille de l'auteur est cette gentillesse d'où viendra le mal. Il décrit un univers d'aujourd'hui, amnésique et régi par un individualisme hédoniste acharné à défendre ses rituels. En ce sens, le héros, Richard, est un rebelle. Bien que très gentil aussi, il est trop curieux pour ne pas mettre en danger son confort.

L'île contient un trésor, une plantation d'herbe quadrillée par des gardiens armés qui ferment les yeux sur leurs inoffensifs voisins, mais le trésor est d'abord le lagon. Il est la croix sur la carte, le secret à quoi rêvent les rou