La méthode scientifique faisait dire à Descartes que l'homme était
désormais «comme maître et possesseur de la nature». Quatre siècles plus tard, la «maîtrise» technologique a gravement déséquilibré l'écologie de la planète - et accentué la violence de conflits entre les hommes. On admet à présent que l'insatiable curiosité humaine doit être compensée par un strict sens moral, et que la protection de la nature nécessite un contrôle éthique sur la pratique des sciences. Cependant l'éthique et l'écologie sont les faces d'une même pièce. L'avènement de la pensée scientifique a mêlé en un seul problème le règlement des rapports des hommes entre eux, et celui de l'humanité avec la nature. Telle était la thèse défendue en 1979 par le philosophe allemand Hans Jonas, dans le Principe responsabilité, aujourd'hui réédité en poche.
Le «principe responsabilité» n'est pas une invocation morale en faveur «de» la responsabilité des hommes à l'égard d'eux-mêmes et de la nature. Il repose sur une analyse «politique» de la connaissance scientifique. Depuis le «règne» de cette dernière, «la frontière entre "État (polis) et "nature a été abolie: la cité des hommes se répand sur la totalité de la nature terrestre et usurpe sa place». Usurpation illégitime, qui fait écho à la «surabondance» d'une âme humaine dont la créativité déborde toute limite: «La conception scientifique dominante de la nature réduit celle-ci à l'indifférence de la nécessité et du hasard et l'a dépouillée de toute la dignité