La guerre, c'est simple, «un homme peut devenir cette chose figée
dans une immobilité absolue, en un instant, parce qu'un bout de métal pointu, plus petit qu'une pièce de vingt-cinq cents, s'est enfoncée dans son corps». Partout, chez Murakami, c'est la guerre. Non pas déclarée mais toujours à l'horizon, la Guerre commence au delà de la mer annonçait dès 1977 son deuxième roman, tantôt plus viscérale façon schizo-manga, comme dans les Bébés de la consigne automatique (1980), tantôt comme dans Kyoko (1995) s'épanouissant fleur bleuâtre sur un air de salsa (1).
Dans Raffles Hotel, roman originellement paru en 1989, une actrice connue, Moeko, s'éprend d'un ancien photographe de guerre reconverti dans le portrait: «J'aime tes photos d'officiers sud-vietnamiens tenant à bout de bras des chairs déchiquetées.» Il la fuit, elle le suit. On passe de New York à Kanazawa puis à Singapour où un jeune guide touristique assiste à la débâcle interne de Moeko, échouée dans «la station balnéaire de [s] on monde imaginaire». Cette trame simple, Murakami la découpe en tranches et la fait passer par trois points de vue alternés: celui du photographe, de Moeko et du guide Takeo Yûki. Par ailleurs, le récit avance en se répétant, puisque chaque narrateur reprend la dernière moitié du récit de son prédécesseur avant d'ajouter la sienne.
Avec tout cela, c'est la guerre du silence. En effet, rien ou presque ne s'échange entre les protagonistes. Version Moeko: « Regarde le ciel, ai-je dit à Kariya qui