Sainte-Bob est la clé de voûte d'une trilogie, la pointe supérieure,
singulière, d'un triangle isocèle, dont la base est constituée des deux romans précédents de Philippe Djian, Assassins (Gallimard, 1994, voir Libération du 02-06-1994) et Criminels (Gallimard, 1996, voir Libération du 30-01-1997). La solution, d'ordinaire, avec les trilogies, ce n'est même pas une solution, puisqu'il n'y a pas de problème; le plus simple, disons, c'est de les lire dans l'ordre, l'ordre chronologique de la publication, ou du récit, qui est souvent le même. Dans ce qu'on appellera la trilogie de la Sainte-Bob (la Sainte-Bob est une rivière), l'ordre n'est pas chronologique, les trois livres disent des choses contemporaines, simultanées; il peut paraître géographique, cet ordre, en tout cas spatial, puisque l'auteur a su le dessiner aux crayons de couleur sur une modeste feuille qu'il peut vous brandir sous le nez. En vérité, c'est un ordre purement littéraire, romanesque; les trois livres se mettent en place les uns par rapport aux autres selon le mode de narration et le point de vue des personnages, des narrateurs et de l'auteur lui-même; c'est le degré de réel entre les deux bouts de la chaîne, le lecteur et l'auteur, qui place chaque volume dans la cohérence de la trilogie (dans ce dernier livre, le lecteur est abondamment apostrophé par des «vous» intempestifs de complicité). L'image du triangle évoqué plus haut appartient moins à la géométrie qu'au symbole du faisceau de lumière de Pentec