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Libération

Face aux piles : Premiers romans.Frédérique Clémençon. Une saleté. Minuit, 186 pp., 79 F. Arnaud Cathrine. Les Yeux secs. Verticales, 91 pp., 75 F.

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publié le 30 avril 1998 à 23h56

Et si la publication du pensum que nous infligèrent, l'autre

semaine, les éditions Julliard et Mazarine Pingeot n'avait servi qu'à cela: nous faire un instant réfléchir à propos de premiers romans normaux (et de leur sort moyen commun: tirés à 2 000 exemplaires et vendus à quelque 600), il faudrait s'en féliciter. Sans pousser jusqu'à son terme ce vicieux paradoxe, on distinguera aujourd'hui ici, exceptionnellement, deux premiers écrits. Pas tout à fait arbitrairement: l'un et l'autre (d'autres aussi, certainement, mais l'on n'a que deux yeux) ont de commun une ambition de littérature.

Qu'est-ce que ce serait, une ambition de littérature, aux 30 ans de Frédérique Clémençon ou aux 24 d'Arnaud Cathrine? Disons, un peu grossièrement, que ce serait le parti pris d'agencer des mots et des phrases de telle sorte qu'ils génèrent un ton original, par quoi s'appréhenderait un moment de la désespérante absurdité du monde, par le moyen d'une écriture conçue comme un pont pour passer du plus intime à l'universel, et vice versa; pour signifier la mitoyenneté de ceci et de cela. Une écriture assurément particulière, en ce qu'elle prendrait l'exact contre-pied des paroles et musiques consensuelles, et à ce titre insupportablement vulgaires (car il en va de la littérature manufacturée, cet easy reading, comme de la musique d'ascenseur). Une saleté, de Frédérique Clémençon, est un roman de guerre privée, une histoire de haines familiales croisées et redoublées dans le huis très clos et le vie