New Delhi, envoyé spécial.
C'est un conte de fées. Arundhati Roy, une jeune femme indienne de 37 ans n'ayant jamais écrit autre chose que des scripts pour la télévision et le cinéma, est devenue en un an un phénomène littéraire international. Le Dieu des petits riens, son premier roman, publié au printemps 1997 en Grande-Bretagne et aujourd'hui en France, a été traduit en près de vingt langues, un coup d'essai qui lui a rapporté plus d'un million de dollars, avant de décrocher le Booker Prize, à la fin de l'année passée. Certains journaux, américains notamment, ont même assuré que l'inspiration lui était venue «comme par miracle» en apprenant à taper sur un clavier d'ordinateur. Arundhati Roy se moque de «toute cette histoire» et dit simplement de son roman qu'elle «se [devait] de l'écrire». Etape nécessaire pour une Indienne atypique, qui s'est enfuie de chez elle à 17 ans afin de venir mener sa vie dans la capitale. Cataloguée «rebelle», «féministe», «dangereuse révolutionnaire», elle rejette les étiquettes dans un haussement d'épaules.
Le Dieu des petits riens narre la tragédie d'une famille dans le Kerala des trente dernières années. Récit dans lequel sont mêlés les souvenirs d'enfance de l'auteur, l'usine de confitures de sa grand-mère, par exemple, et une vision implacable d'une Inde à la fois paisible et magnifique, déchirée par ses fractures religieuses et sociales, frustrée par ses interdits. On y trouve les jumeaux Rahel et Esthan, dépositaires d'un terrible secret,