Avril 1933. Raymond Klibansky songe d'abord à mettre en sûreté sa
mère et sa soeur Sonia. Avant de songer lui-même à fuir, il prend un train pour Hambourg et se rend aussitôt chez Fritz Saxl, qui, après la mort en 1929 de son fondateur, Aby Warburg, le «grand Seigneur du labyrinthe», dirige la bibliothèque Warburg (1). Il n'est plus temps de tergiverser: il faut sauver le personnel de l'institut et sauver la bibliothèque elle-même, déjà un «mythe» à l'époque, et symbole de la tradition de la philologie et de la science historiques allemandes. Les deux hommes font des démarches auprès de Max Warburg pour obtenir les fonds nécessaires au transfert des livres à l'étranger. De son côté, Edgard Wind se met en rapport avec l'Academic Assistance Council de Londres.
Septembre 1879. Aby Warburg, fils aîné d'une famille de banquiers de Hambourg, propose un étrange marché à son frère cadet Max: il lui céderait tous ses droits d'aînesse si, en échange, celui-ci promettait de «lui acheter tous les livres dont il aurait besoin». C'est par cette scène étrange, décrite par Ernst H. Gombrich (2), que s'ouvre l'histoire de la bibliothèque Warburg. Aby Warburg deviendra un grand historien d'art, au savoir encyclopédique «recueilli» (ou dispersé) en des milliers de petits bouts de papier, formant, selon le témoignage de Klibansky, «un immense fichier quasi incompréhensible». Au-delà des problèmes esthétiques traditionnels, il s'intéresse au rapport entre le symbole et ses significations dans les