Pourquoi l'après 1968 a duré si longtemps en Italie, alors qu'en
France la contestation radicale du système s'était déjà épuisée en 1973? Pour quelles raisons l'exercice de la violence politique est-il resté plutôt symbolique ou fortement théâtralisé dans l'Hexagone et, en revanche, est allé crescendo au-delà des Alpes, jusqu'à ce que les groupes armés s'engagent sur le terrain d'une sanglante guerre ouverte contre l'Etat au cours de la seconde moitié des années 1970? A l'énigme qu'est devenu ce passé récent pour le monde actuel (où le renversement révolutionnaire du pouvoir par la classe ouvrière est proprement impensable), Isabelle Sommier consacre la Violence politique et son oubli. S'appuyant sur une cinquantaine d'entretiens (dirigeants de groupes d'extrême gauche, responsables de services d'ordre, ouvriers ou établis) cette «approche interactionniste de la violence» se développe sur trois directions: la dynamique de la violence protestataire, les mécanismes du contrôle social, la délégitimation du recours à la violence (en France et en Italie). Aussi Isabelle Sommier soulève-t-elle, quoi que de manière indirecte, «un problème historique, celui du dépérissement de l'idée révolutionnaire, dont les événements de la fin des années 60 constituent à ces jours les derniers soubresauts».
Pour expliquer la différence de continuité et d'intensité d'une violence politique de même nature, d'un côté et de l'autre des Alpes(1), Isabelle Sommier met en avant les spécificités des acteu